Par toutes les fenêtres, on vit, ce matin-là, un ciel de satin bleu tendu sur la ville. Lorsque Sentilhes tira les stores de sa verrière, il reçut le soleil en plein visage et une bouffée dair parfumé fit flamber sa joie.
- Vraiment, dit-il à mi-voix se parlant à lui-même, une matinée comme celle-ci... oui, vraiment...
Il lui arrivait souvent de commencer une phrase sans pouvoir la faire aboutir à une idée. Pendant quelques instants, il prononça dun ton contenu des paroles vagues et enthousiastes.
De minute en minute, la vie gagnait le quartier. Des volets souvraient avec fracas. Une femme apparaissait, les cheveux relevés dun tourne main. Camisole large ou kimono flottant, elle paraissait charmante au premier flot de soleil qui lui faisait cligner les yeux. Quand elle se penchait au dehors, lappui de la fenêtre marquait la forme dun sein.
- Lumière, murmura Sentilhes, amusé déjà par ce quil allait dire, que de miracles nous te devons !... Nos voisines, ce matin, ont toutes lair dêtre jolies... Celui qui les a vues de près connaît la part que cette beauté doit au jeu, hélas... trop changeant... des reflets et des ombres.
Il se mit à rire avec bruit. En même temps, il répéta mentalement toute la phrase, vérifiant si elle ne contenait rien dessentiel qui fût digne dêtre retenu.
- Un beau temps pour se promener, madame Dorange...
- Pas toute seule !
- Voilà bien les amoureux !